Entre février 1976 et août de l'année suivante, l'éditeur Sagédition, jusque là cantonné aux gentilles adaptations de séries télévisées américaines, dessins animés et super-héros américains (Superman et Batman) édita le magazine KARACAL, un trimestriel qui, hélas, ne dura que 14 numéros...
Sa grande particularité était de proposer des séries et récits complets réalistes d’aventure de très grande qualité issus pour la plupart d'Argentine, grand pays de BD s'il en est, via les éditions Record : la plupart, étaient parus dans les hebdomadaires italiens Lanciostory et Skorpio des éditions Eura Editoriale en Italie, pays proche de l'Argentine, notamment depuis qu'un fameux groupe, le groupe de Venise partit à la conquête de cette lointaine contrée juste après la seconde guerre mondiale, Hugo Pratt en tête...
Une des meilleures séries proposées par la revue est sans conteste L’homme de Richmond (Black Soldier/L’Uomi di Richmond).
Cette série relate les aventures d’un gentilhomme du sud Ron Warlock dit « San Francisco », mondain ruiné par la guerre de sécession qui ne doit la vie sauve qu’à sa lâcheté. Sa rencontre avec le pistolero Brett Yancy qui lui apprend à se servir d’une arme et à surmonter sa peur va bouleverser le cours de son existence. Désormais, cet aristocrate élégant qui n’avait jamais touché une arme à feu de sa vie va devenir l’un des plus grands pistoleros de l’ouest. Durant les premiers épisodes de la série, il vit quelques aventures en solo, en quête de rédemption, puis rapidement, il s’adjoint un acolyte : le rusé Gilé (Chaleco dans la version originale) un Indien Navajo qui deviendra rapidement son ami en dépit de leurs incessantes chamailleries. Viendront bientôt se greffer au duo Lola, la mexicaine « au regard fier et passionné », compagne de Gilé puis Polly Dugan, une jolie photographe écossaise, au caractère bien trempé, « l’amoureuse » de Warlock. Ce groupe improbable va désormais parcourir l’ouest à bord d’un chariot et vivre des aventures toujours très bien écrites car s’intéressant de près à l’âme humaine et à ses travers (jalousie, haine, lâcheté, etc.).
En France, cette bande a également été publiée, quelques années plus tard dans le petit format El Bravo (éditions Mon Journal) du n° 51 au 72 entre 1982 et 1985.
L’Homme de Richmond a été créé en 1975 pour la revue argentine Skorpio des éditions Record par Ray Collins sous le pseudo "américain" de Clarence Stam (pseudonyme d’Eugénio Zapietro) pour les textes et Ernesto Rudesindo Garcia Seijas pour les dessins et a été publié jusqu’en 1982 en Italie dans Lanciostory et Skorpio (l’alter ego italien de la revue argentine) de Eura Editoriale.
Autre série star de la revue, là encore, un western :
COBRA (El Cobra)
Cobra se présente sous la forme de récits complets mettant en scène Albert August Delan Phelps, dit El Cobra, pistolero solitaire et redresseur de torts, aux yeux d’acier. Eternellement en vadrouille, il croise sur sa route de jolies jeunes femmes (souvent veuves éplorées) qu’il abandonne invariablement à la fin de chaque récit avant de reprendre son chemin d’errance. Ce western réaliste et violent, au schéma classique et invariable (le héros arrive dans un nouvel endroit, il répare une injustice et s’en va à la fin même si on lui demande de rester) est en fait la nouvelle version d’une série des mêmes auteurs, Ray Collins pour le scénario et Arturo del Castillo pour le dessin, Garret le sauvage. Cette bande, créée en 1961 relatait les aventures d’un cavalier solitaire qui au contraire de Cobra poursuivait un but : se venger de ceux qui avaient massacré sa famille. Ce western (leur premier grand succès) fut le début d’une fructueuse collaboration doublée d’une longue amitié et pose par ailleurs les jalons de ce que seront la plupart des futures séries de del Castillo.
El Cobra a également été publié par les éditions Mon Journal sous le titre Le Crotale, dans Long Rifle entre 1983 et 1986 (n° 71 à 91 et 93 à 107) et dans La Route de l’Ouest du n° 147 au 151.
Une suite de El Cobra est parue en 1978-79, sur des textes de Ray Collins et des dessins de l’espagnol Miguel A. Repetto au graphisme très proche de celui de Del Castillo.
KARACAL ne proposait pas que des westerns : il y en avait pour tous les goûts, y compris pour les amateurs de science-fiction, voir dheroic-fantasy, genre pas encore en vogue dans ces années Giscard...
YOR LE CHASSEUR (Henga en V.O, Yor il Cacciatore en i talien) est apparu dans le mythique numéro zéro de Lanciostory du 07 avril 1975 : c'est une fresque de 10 épisodes mêlant préhistoire et science fiction (bref, de l’héroic fantasy), qui a même été adaptée au cinéma en 1983 (Yor le chasseur du futur, souvent classé parmi les plus grands nanars de l’histoire du 7ème art) par Antonio Margheriti, réalisateur de l’inoubliable L’invasion des piranhas avec Lee Majors.
En pleine préhistoire, le séduisant et musclé guerrier blond Yor « le fils du grand feu qui descendit du ciel » tente de percer le secret des ses origines. L’étrange médaillon brillant qu’il porte autour du cou depuis sa naissance le pousse vers le pays des « Dieux de la glace » en compagnie du vieux et sage Pag venu d’une lointaine contrée civilisée et de sa compagne la farouche et très jalouse Ka-Laa. Yor apprendra finalement qu’il descend des atlantes, peuple d’origine extraterrestre et finira même par découvrir l’Atlantide ( une colonie alien ! ) peu avant sa destruction par un volcan. De par ce thème des origines extraterrestres d’un homme vivant au milieu de la barbarie et qui parvient à s’élever grâce à ses dons extraordinaires mais tout en conservant son humanité, cette série présente de nombreuses similitudes avec la fameuse bande dessinée THORGAL, lui aussi « fils des étoiles » égaré chez les sauvages (dans son cas les vikings).
On notera les nombreuses et maladroites tentatives de camouflage de la nudité des personnages féminins...
Au scénario, c’est encore Ray Collins qui œuvre et on retrouve au graphisme le talentueux Juan Zanotto.
Bien-sûr, KARACAL, c'est avant tout du western, avec notamment...le taciturne RENO REAGAN.
Alors qu’il était shérif en poste d’une petite bourgade de l’ouest, Reno Reagan est pendu par des hommes encagoulés qui incendient son domicile provoquant ainsi la perte de son fils. Dès lors, faisant croire à sa mort, Reno Reagan, le pistolero taciturne entreprend de se venger des 33 lyncheurs les uns après les autres. Parcourant inlassablement l’ouest, accompagné du seul vieux Funny, venant parfois se cacher chez sa « veuve », il semble ne devoir jamais connaître la paix, ce qui fait dire à sa femme, que « Reno Reagan est mort. Cet homme n’est que son ombre qui erre sans fin. ». Cette série assez sombre a été créée par Seijas pour les éditions Record et publiée dans Lanciostory de 1975 à 1976 mais n’est apparue que de façon sporadique dans la revue Karacal, peut-être à cause de sa noirceur.
On peut se demander si le thème exploité ici est inspiré du film de Ted Post Pendez les haut et court avec Clint Eastwood ?
ALAMO KID, lui se prend beaucoup moins au sérieux : c'est un agent fédéral, pistolero violent et raffiné, impitoyable et romantiqu e, amateur de femmes et de vodka glacée et de mouton aux ananas qui lutte contre le crime, dans un far west de violence et d’érotisme. La plupart du temps, il est entouré de Yuma la chanteuse de saloon et son fidèle Mandarin, un chinois, ou de Plume Noire l’indienne chef de tribu diplômée de Yale.
Cette série est également parue en France dans l’éphémère Alamo Kid chez Sagédition(un seuk numéro en 1982) et dans Super West du même éditeur...
Cette bande, initialement publiée dans le magazine italien Lanciostory de 1975 à 1978 est scénarisée par Antonio « Antony » Mancuso et dessinée par Giuseppe Montanari puis par son assistant Vicenzo Monti.
TIGER KISS quant à lui n'est ni cow-boy ni guerrier des temps anciens, c'est le héros d'une série d’origine italienne du scénariste Antonio Mancuso publiée à l'origine dans le magazine Lanciostory de 1975 à 1978.
La série se présente sous la forme de récits complets relatant les aventures d’un espion britannique play-boy, fils d’un anglais et d’une américaine travaillant pour le Secret International Service ( S.I.S ) un peu dans l’esprit de Billy Bis, autre œuvre de Mancuso.
Tiger Kiss est blond, élégant, il ne se déplace qu’à bord de sa luxueuse Bentley (un taxi qu’il a acheté !) conduite par son fidèle serviteur hindou, nommé Second ( et qui appelle notre héros « Milord » ! ). Il est bien évidemment entouré de jeunes et jolies femmes dont aucune ne résiste à son charme jamesbondien, même si, de l’autre côté de la barrière, une certaine Bambi Black, clone de la Mireille Darc de la grande époque et qui est en réalité la demi-sœur du chef de section de Tiger Kiss, Mila Stevens dite Dynamite, lui donnera beaucoup de fil à retordre. Ces deux-là, au fil des épisodes jouent un jeu du chat et de la souris qui entretient l’intérêt d’une série aux intrigues par ailleurs assez alambiquées.
KARACAL comprenait aussi des récits complets signés Enio ou Ivo Pavone.
Dans le numéro 13, le magazine introduit une nouvelle série parue dans Lanciostory, Canada Joe, dessinée par Carlos Enrique Vogt ma is qui ne durera en France, semble t’il, que le temps de ce numéro (paru sous le titre Amigo dans Akim).
L'aventure de KARACAL prit fin dès le numéros suivant mais c'était pour mieux renaître sous le nom de Super-West Poche, magazine dont je vous entretiendrais dans un prochain article...
Fabrice Castanet
Bibliographie : Pimpf n°6.
L'index complet de la revue est disponible ici : index