Peu d'entre eux sont connus du grand public et pourtant leur style nous est souvent familier : pas étonnant, ils nous ont accompagnés des années durant au sein des revues de BD de notre enfance. Ils y animèrent vaillamment les fameuses et nombreuses pages de jeux, rébus et autres devinettes qui parsemaient alors les magazines de l'époque. Ils s'appelaient Gring, Lellbach, Héno ou Raymond Maric. Serge Segret fait partie de ces dessinateurs au style si reconnaissable et aux multiples collaborations. Une courte et incomplète biographie consacrée à Segret sur ce blog atttira l'oeil de sa petite fille, Marielle Wastable. C'est grâce à elle que cet entretien a pu être réalisé avec l'artiste qui signait avec un coeur.
Comics Vintage : M Segret, j'ai retrouvé un dessin que vous aviez envoyé au journal des lecteurs de la revue de BD Youmbo Magazine (La Librairie Moderne/Sagé) depuis Champcueil (Seine et Marne), et qui fut publié dans le n°50 en 1950 (1)
Serge Segret : C'est à Champcueil que ma carrière de dessinateur de presse à démarré en faisant des « piges » dans diverses revues: Confidences, La vie en fleurs, les éditions Gabalda aussi (dessin politique pour La Faluche, le Lampiste). Ma carrière a commencé en travaillant avec une dizaine de journaux, quotidiens et hebdomadaires dont France-soir, Paris-Normandie, Le Dauphiné, République de Toulon, Tours....
J'aimerais savoir où et quand vous êtes né, quelle fut votre enfance, votre scolarité...
Je suis né à Paris, en 1924, à Montmartre.......prédestination ? Mon enfance s'est déroulée à Chatillon sur Cher, puis Romorantin et puis Livry Gargan et Vincennes. Une année de cours complémentaire après l'école primaire, le certificat d'études et une école de dessin: Marc Saurel puis plus tard les beaux arts de Grenoble. À 14 ans mon père me fait entrer comme apprenti patissier, que j'abandonne à cause de la guerre. Et mon père nous envoie, mon frère et moi, à Bretenoux où j'ai exercé toutes sortes de métiers dont aide géomètre sur un projet d'aérodrome privé. Engagé à 18 ans dans l'armée d'armistice, comptant rejoindre l'Afrique pour échapper à l'occupation allemande. Ce qui n'a pu se faire, les allemands étant en zone libre. Mon unité désarmée fut transformée en unité de défense aérienne à Toulouse jusquà la libération de Toulouse. Puis FFI, libération d'Autun, et autres...Réincorporfation à la 1ère armée ( Gal De Lattre de Tassigny) puis démobilisation en Allemagne. Ensuite, j'ai fait de la représentation avant le dessin de presse.
Quelles BD lisiez vous enfant, et comment êtes- vous devenu dessinateur ?
Le Dimanche illustré avec Bicot Bicottin et Zig et Puce de Alain Saint Ogan, ainsi que Gédéon de Benjamin Rabier. Quand j'étais petit, ma tante qui m'élevait avait remarqué mon goût pour le dessin et m'avait inscrit à un cours de dessin par correspondance. C'est le tout début .
N'avez vous pas été tenté par une BD comme certains de vos collègues de « jeux » Raymond Maric (Valentin) ou Lellbach (Tom et Jerry) ?
La demande s'est tout de suite tournée vers les jeux dessinés, en ce qui me concerne, et des pages de variétés (Je voudrais savoir pour la Cosmopresse). Je n'avais pas le temps de faire des albums de BD.
Dans les années 50, vous dessinez toujours des jeux pour le Journal de Mickey (Pêle- Mêle) : comment s'est passée cette collaboration ? Quel souvenir en gardez- vous ?
Mickey, mais aussi plus tard Picsou Magazine (2), Castor Junior, Donald Magazine, etc. J'en garde de très bons souvenirs: j'avais la liberté totale de mes créations. On me faisait confiance, mais je devais produire beaucoup. Je travaillais en même temps pour Pilote et les éditions Vaillant sans problème : ni politique, ni religion, ni sexe !!!
Vous avez travaillé pour Marijac (Le journal de Nano et Nanette puis Fillette), avez vous connu l'éditeur ?
Oui, j'allais régulièrement le rencontrer à la maison d'édition, avenue de Chateaudun, et je le connaissais bien. Tous les ans, je me déplaçais à Paris en septembre, pour y rencontrer mes employeurs, les éditeurs. Cette rencontre était très importante.
Pour les éditions des Remparts, vous faites à nouveau beaucoup de jeux maison, on commence à trouver sous votre plume de vraies BD assez courtes (Jean Pomme...) bien à vous et l'arrivée d'un personnage, le singe Hannibal, que vous allez exploiter en gags et jeux à travers les divers petits formats de l'éditeur comme Pifalo. Il y a aussi Trott' Malice : pouvez vous nous en toucher un mot ?
Trott'patt avant Trot't malice a paru dans différentes revues. L'idée de faire une petite bande dessinée avec un jeu était de faire participer le lecteur à l'histoire. Idem pour la revue d'échecs Mat, avec l' histoire d'un petit fou dont la dernière image était un jeu.
Vous avez même quitté un moment la BD "enfantine" au milieu des années 60, animant une rubrique en même temps que Cabu et Delinx pour Pilote ! Parlez- nous de cette collaboration.
Je travaillais chez moi et envoyais par la poste mes dessins. J'ai finalement peu rencontré les autres dessinateurs, hormis les réunions ou salons de la bande dessinée. Pas de fax, je travaillais en dimension réelle pour que mes envois passent en «lettre». Vous imaginez l'angoisse en période de grève de la Poste ( en 1968, c'est un voisin qui a porté, allant à Paris, mes dessins aux éditeurs) !!!
Aviez vous connu Delinx chez l'éditeur Carozzo ? (il semble avoir débuté en même temps
que vous là -bas)
Je n'ai pas connu Delinx personnellement.Je pense qu'il est plus jeune que moi.
Dans les années 60-70, vous multipliez vos travaux dans des revues de BD comme L'intrépide-hurrah, Pif Gadget ou même des journaux de programmes télévisés comme Top-Télé (toujours des jeux) et vous revenez surtout chez Disney, parlez nous de cette époque...
Il était de mon intérêt de travailler pour une dizaine de revues en même temps, afin de prévoir un repli en cas de perte de l'une ou l'autre ; ce fut le cas au moment de la «fermeture» de nombreux magazines dans les années soixante-neuf, soixante-dix. Ensuite, ce fut le contraire et mon activité principale s'est tournée vers Édi-Monde : Castor Junior, Donald, tous les Mickey. Là, je ne signais pas mes planches quand les personnages étaient de Disney. Ma «patte» était un petit trèfle avec la feuille du haut pointue.
Quelles furent vos autres collaborations par la suite?
Je suis entré à République, le quotidien de Toulon, comme dessinateur de presse permanent : il fallait illustrer des reconstitutions de faits divers, croquis d'audience, camemberts d'élections, illustrations d'articles...toujours dans l'urgence car on pouvait m'appeler à n'importe quelle heure, même le soir, en fonction de l'actualité.
Quelle est votre vie actuelle, dessinez vous toujours ? Vous intéressez vous encore à la BD ou l'illustration en France ?
Je vis dans le Var, et suis retraité depuis l'âge de 65 ans et je ne peux malheureusement plus dessiner car j'ai un problème de mal-voyance. À la prise de ma retraite, je me suis mis à la peinture de chevalet et ai peint 120 tableaux de différents formats, qui n'ont rien à voir avec la bande dessinée, quoique......(onirisme, mythologie, contes et légendes...). J'ai fait des expositions locales, puis à St Léonard de Noblat et Paris (galerie Thuillier, mairies du IXème et du VIème).
Merci Monsieur Segret et sa petite-fille pour cet entretien et les documents fournis.
Fabrice Castanet, janvier 2011.
(1) par la suite, Segret produisit de nombreuses illustrations et divers jeux pour l'éditeur Carozzo dans ses diverses revues (Rintin et Rusty, Kansas Kid avec la rubrique « Amusons nous ! », Héroïc, Jim Taureau...) même s'il n'en garde pas le souvenir...
(2) Dès le premier numéro en mars 1972 ! Segret y mit également en scène son personnage de Trott'Patt (à partir du n°3-voir image)